THÈMES 22 - PROGRAM SAMPLER

Section I: Multiple Choice 14 Interpretive Communication: Print Texts Auto-graded Part A Print Texts SECTION I, PART A © by Vista Higher Learning, Inc. All rights reserved. 4 Thème du cours: La famille et la communauté Contexte: L’enfance et l’adolescence Estelle-Sarah Bulle est une écrivain française née en banlieue parisienne en 1974. Cet ouvrage est son premier roman et raconte l’histoire d’une famille d’origine guadeloupéenne qui habite en France. Là où les chiens aboient par la queue par Estelle-Sarah Bulle Dans la famille, tout le monde appelle mon père Petit-Frère. Comme s’il n’était jamais devenu autre chose que cet être fragile que mes tantes ont plus ou moins guidé dans leur enfance, en ces débuts où la tendresse n’était pas absente, mais mesurée, comme l’était sel ou le pain. Je suis née dans une famille ressemblant à la famille française type, sans en avoir la structure aussi rigide et hiérarchisée: une amie d’enfance peut chez nous être considérée comme une cousine et désignée comme telle. Des cousins véritables sont à peine croisés puis oubliés. D’autres enfants adultérins apportés par la pluie et jamais reconnus, deviennent des frères plus chéris que les frères de sang. Une rue entière de Morne-Galant compte les membres de ma seule famille, tous Ezechiel, à en faire perdre la tête au facteur novice. Une sœur peut être la marraine de son frère, qui ne l’appellera plus que «marraine», je ne peux entendre autre chose que «ma reine». Et je sais maintenant qu’elle a tout d’une souveraine, fière et indépendante. Adolescente, lorsque je laissais traîner mes vêtements par terre, haussais les épaules parce qu’on me prêchait pour la centième fois de faire attention à ma tenue ou lorsque j’étais insolente, c’était toujours son nom qui revenait: «On dirait ta tante Antoine!», «On voit que tu tiens d’Antoine!» Pendant un temps aussi, la taille de mes pieds inquiéta légèrement mes parents qui déclarèrent sur un ton fataliste: «Les mêmes péniches que sa tante…» À première vue, la comparaison n’avait rien de séduisant. Mais un minuscule coin de ma poitrine était secrètement flatté, car si l’on attribuait bien des défauts à ma tante, je percevais une certaine admiration pour celle qui n’avait jamais fait que suivre son désir en cultivant sans regret l’art de la catastrophe. Jusqu’à mes treize ans, mes parents, mon frère et moi avons vécu à Créteil, au neuvième étage d’une tour rectangulaire, blanche et noire, à l’angle des rues Lepaire et Marie-Curie. J’aimais me tenir à la fenêtre, frottée au ciel et au danger de la chute, trente mètres plus bas. J’étais une petite fille très appliquée et particulièrement conformiste. J’aimais me fondre dans le paysage qui s’étendait autour de moi, devenir aussi neutre que ces larges rues droites et cette succession de bâtiments agencés en fonction du niveau social des habitants (plus les loyers étaient modérés, plus les fenêtres étaient étroites). De mon poste d’observation, je m’interrogeais sur les innombrables petits faits familiaux qui, selon moi, sortaient trop de la norme. D’où venait cette propension à élargir le cercle de notre parentèle jusqu’à des frontières floues et mouvantes? Et pourquoi mon père avait-il cet accent marqué qui faisait sourire les amis et les voisins alors qu’il s’efforçait de parler dans un français châtié? Pourquoi mon grand-père n’était-il la plupart du temps qu’une voix rauque rendue fantomatique par les sept mille kilomètres de ligne téléphonique tirés sous l’océan? Ligne 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60

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